Mercredi 4 novembre
Rien sur le blog depuis mon retour en Suisse... Non, c'est joli où je suis, il y a une vue magnifique, de beaux ciels, de grands hêtres... mais je n'ai aucune affinité avec le Jura, ça ne me touche pas. Alors, pas de photos, pas de message!
Mais je continue à rêver. Pour diverses raisons - entre autres de longs trajets en train -, je me suis mise à lire les récits de gens qui marchent. Il y a eu d'abord Jean-Claude Bourlès et le chemin de St-Jacques, et puis Jacques Lacarrière, dont j'avais déjà beaucoup aimé "L'été grec". J'ai fini hier son célèbre "Chemin faisant". Et je ne résiste pas à l'envie d'en recopier quelques passages qui m'ont mis les larmes aux yeux.
"A l'inverse des provinces récemment traversées, enserrées entre les méandres d'un fleuve, l'entaille d'une vallée, les cimes d'une chaîne, encloses entre les accidents d'un paysage perceptible, l'Occitanie est moins une province à la géographie précise, une région délimitée par des accidents du relief, qu'une culture, une langue, une histoire, une façon de se sentir lié à un sol ou à une tradition. Aussi a-t-elle plusieurs frontières. L'Occitanie linguistique, celle où s'emploie les parlers d'oc, est plus vaste, plus complexe aussi, que l'Occitanie historique, que l'on confond trop souvent avec l'histoire des Albigeois. L'architecture, la langue, le mode d'occupation des sols, les exemples toponymiques, chacun de ces critères permettrait de dessiner sur la carte autant d'Occitanies aux contours changeants.
Mais, quels que soient les critères choisis, les noms des lieux ne trompent pas. Tous ceux que je vois sur la carte depuis l'Auvergne appartiennent à la langue d'oc. Le pays d'oc, c'est celui où, au cours d'une même journée, je lis, j'épelle les noms de Lanuéjols, Changefève, Esclanède, Chanteruéjols, Ventajoux, Raspaillac, Deïdou, Nabrigas. Cela suffit à donner un air tout autre à ce que l'on voit, au vent que l'on respire, à ceux que l'on rencontre: depuis Mende, le visage des Français s'éclaire, les sourires apparaissent plus souvent, la méfiance recule et l'hospitalité se fait moins difficile. Ces terres seront pour moi celles d'un autre accueil.
A Peyrepertuse, sans rien connaître à l'art des sièges, on ne saurait rester insensible à cette immensité des choses faites ainsi à mains d'homme, sur ce pic éventé, à la force calme et contenue que gardent encore ces murs, ces tours et ces donjons. Quéribus, dernier refuge des Cathares qui résista onze ans après la fin de Montségur. Je me suis dit: "C'est ici le domaine des aigles, du vent, l'horizon des combats, le lieu des éternels assauts, on y devine les lambeaux d'une histoire atroce et misérable où les Croisés du nord, une fois de plus, prouvèrent que leur croix ne couvrait de son ombre usurpée que la folie meurtrière des hommes, le besoin de pillage et une volonté délibérée de génocide. Ici, comme à Puilaurens, à Puivert, se tinrent peut-être, sous ces voûtes aujourd'hui effondrées, des cours d'amour où venaient chanter les troubadours.
Alesia, Bibracte, Peyrepertuse, ai-je fait, presque malgré moi, le pèlerinage des peuples généreux et massacrés, des nécropoles et des forteresses incendiées? Les Cathares vivent-ils ou revivent-ils encore, secrètement, comme nos ancêtres les Gaulois, dans l'âme ou sur les visages des gens d'Occitanie?"
Quéribus
Puivert
Puylaurens
Et je ne peux finir, bien sûr, sans la silhouette du pog de Montségur et son "prat dels cremats".
1 commentaire:
Ravie de te retrouver Béatrice ... Je venais de temps en temps voir si il y avait du monde sur le blog.... ouf! Dis, t'aurais envie de venir écrire en février dans le désert???? On est déjà une bonne dizaine, mais y'aurait encore une petite place pour toi si tu voulais!
Bisosu et courage!
Gene
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